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PAC Derrière le conflit Chirac-Blair, une bataille pour le pouvoir dans l'UE

LONDRES, 29 oct (AFP) - Derrière le conflit Chirac-Blair se profile une bataille sans merci entre la France et la Grande-Bretagne pour faire prévaloir son influence au sein d'une Union européenne en train de changer de visage, estiment les analystes à Londres.

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Les relations entre les deux pays se sont spectaculairement dégradées en une semaine, culminant avec l'annonce mardi par Paris du report à une date non précisée du prochain sommet bilatéral.

A l'origine de cette rechute: l'accord scellé par le président français Jacques Chirac avec le chancelier allemand Gerhard Schroeder, au sommet européen de Bruxelles la semaine dernière, pour assurer le financement de la Politique agricole commune (PAC) jusqu'en 2013.

"Blair est très irrité que Schroeder et Chirac se soient mis d'accord derrière son dos, surtout pour éviter une réforme de la PAC qui est un sujet très important pour les Britanniques", explique à l'AFP Ian Begg, spécialiste des questions européennes à la London School of Economics.

La PAC résume, aux yeux des Britanniques, la plupart des maux de l'UE. Décidée avant l'adhésion de Londres au Marché commun en 1973, elle coûte cher (près de la moitié du budget européen), elle bénéficie avant tout aux agriculteurs français et elle est contraire à la libéralisation du commerce mondial prônée par Tony Blair.

M. Blair a de plus été choqué par l'insistance de M. Chirac à vouloir rediscuter de la "ristourne" au budget européen dont Londres bénéficie depuis 1984.

Mais ces enjeux immédiats cachent aussi une rivalité pour se placer au coeur d'une Europe qui s'apprête à s'élargir à dix pays d'Europe centrale et méridionale en 2004.

D'un côté, Tony Blair a profité de la mise en sommeil du couple franco-allemand ces dernières années, et de l'effet paralysant de la cohabitation en France, pour avancer ses pions.

"Blair veut mettre la Grande-Bretagne au coeur de l'Europe, et pas sur le bord comme au temps de Margaret Thatcher, et il a eu l'impression d'être marginalisé" à Bruxelles, estime M. Begg.

De l'autre, Jacques Chirac est soucieux au contraire de réaffirmer les prérogatives françaises sur l'UE, maintenant que la parenthèse de la cohabitation, pour lui si frustrante, est refermée.

"Au sommet de Bruxelles, M. Chirac a cru avoir enfin remis le couple franco-allemand sur les rails après plusieurs années noires. Aussi quand M. Blair a contesté leur accord sur la réforme de l'agriculture, il était vital pour lui de le remettre à sa place", écrit Philip Delves Broughton dans le Daily Telegraph.

"Chirac lui a dit (à Blair): l'ancien régime est de retour et il n'y a pas d'Amérique ici pour te venir en aide", estime ce journaliste.

Les analystes s'accordent à reconnaître que Jacques Chirac a largement remporté la bataille de Bruxelles, ce qui n'empêche par le gouvernement britannique de donner sa propre version de la passe d'armes.

Tony Blair "est une personnalité très importante, peut-être la plus importante en Europe, et il a réussi à obtenir un accord faisant en sorte que le budget global de la PAC soit plafonné", a ainsi estimé le secrétaire d'Etat britannique aux Affaires européennes, Peter Hain, représentant britannique à la convention sur l'Europe.

Mais l'issue finale de cette guerre d'influence franco-britannique est moins évidente.

Tom Arbuthnott, du Foreign Policy Centre, un centre de recherches d'inspiration blairiste, estime que "le moteur franco-allemand est devenu un mythe sur bien des aspects" et que l'UE se gère aujourd'hui de façon plus "pluraliste", comme le montrent les travaux de la Convention européenne.

L'élargissement de l'UE va également changer la donne avec l'arrivée de pays plutôt pro-atlantistes, la montée en puissance de l'Allemagne et un rôle accru pour la Commission européenne, pronostique Anand Menon, directeur de l'Institut de recherche européenne de Birmingham.

"L'influence française ne pourra en conséquence plus s'exercer en paradant et en faisant pression sur les autres", estime M. Menon, dans une tribune publiée par le Financial Times.


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